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Les services publics d’eau et d’assainissement commencent leur adaptation suite aux premiers impacts du changement climatique sur leurs activités… mais peu d’entre eux ressentent l’urgence de contribuer à réduire l’ampleur de ce changement en réduisant leurs propres émissions.

La plupart d’entre nous se sentent condamnés à s’adapter et n’ont pas les moyens de s’attaquer à la source du problème, car nos propres actions d’atténuation potentielles semblent être une goutte d’eau dans la mer et sont sans cesse repoussées au second plan en raison des contraintes économiques et temporelles qui régissent notre planification.

Nous travaillons tous avec des priorités. Si un avion est sur le point de s’écraser parce qu’il manque de carburant, les ingénieurs ne passent pas leur temps à étudier la consommation de carburant, mais se concentrent sur les conseils à donner au pilote pour que l’avion reste en vol.

Ce comportement naturel est à l’origine de l’absence d’action climatique pour réduire les émissions mondiales de GES, et aujourd’hui les services d’eau et d’assainissement se retrouvent dans ce scénario : faire face à l’urgence. Plus les besoins d’adaptation deviennent urgents pour maintenir les niveaux de service, moins les services publics auront de bande passante à investir dans l’effort d’atténuation.

C’est ce que nous constatons déjà. Par exemple, face à la rareté de l’eau, une compagnie peut, dans l’urgence, construire d’énormes usines de dessalement sans réduire agressivement sa consommation et ses pertes. Si elle avait eu plus de temps, elle aurait pu d’abord réduire les consommations et les pertes pendant quelques années et réévaluer le besoin de dessalement pour une usine plus petite et moins gourmande en énergie.

Les opérateurs font des choix pour optimiser les missions qui leurs sont données.

Vous vous demandez peut-être maintenant : est-ce vraiment important que les services d’eau et d’assainissement réduisent leur empreinte carbone, est-ce que cela change la donne dans l’effort d’atténuation ?

Les émissions provenant des eaux urbaines représentent entre moins de 1 % et quelques pourcents des émissions nationales, selon le mix énergétique du pays et le type de traitement, son efficacité et sa capacité à produire de l’énergie ou d’autres ressources.

Cela peut sembler être une goutte d’eau dans la mer… Cependant, les compagnies des eaux, si elles sont mandatées pour remplir ce rôle, peuvent devenir des catalyseurs de la réduction des GES au niveau local pour trois raisons :

  1. Ils travaillent en partenariat avec de nombreux acteurs urbains et leurs usagers qui ont chacun un potentiel faible mais significatif de réduction de leurs émissions,
  2. Ils peuvent réduire considérablement leurs émissions dans certains cas jusqu’à la neutralité si cela leur est fixé comme objectif,
  3. Les coûts supplémentaires pour y parvenir ne sont pas très importants et, dans certains cas, il y a un retour sur investissement ; cela ouvre également la porte à l’accès aux financements internationaux pour le climat.

Les opérateurs peuvent devenir les moteurs d’une réduction accélérée des émissions mondiales. C’est le choix que quelques pays ont déjà fait, mais la planète a besoin de beaucoup plus ! Par exemple, la Jordanie a inclus l’eau urbaine dans ses Contributions Nationales Prévues pour réduire les GES mondiaux et le Danemark a fixé un objectif de neutralité carbone pour tous ses services d’eau urbains.

Nos sociétés, notre planète, sont à la croisée des chemins dans la manière dont nous abordons le changement climatique : soit nous réduisons agressivement nos émissions mondiales de GES, ce qui exige de saisir toutes les occasions de les réduire; soit nous continuons à nous sentir condamnés et impuissants à progresser dans la réduction des émissions, et nous acceptons qu’en tant que société mondiale, nous allons perdre des vies, diminuer la qualité de vie de beaucoup et dépenser des milliards en protection et en réparation des dommages. 

Continuer comme avant ne suffit pas, c’est même mortel !

Les services d’eau et d’assainissement font face à des choix lorsqu’ils planifient et gèrent leurs actifs. Pour les eaux usées, ils peuvent composer avec un éventail de solutions qui vont de l’énergie conventionnelle et des approches intensives en béton à une approche d’usine de ressources tirant parti de solutions fondées sur la nature lorsque cela est approprié. Pour l’approvisionnement en eau, ils peuvent acheminer l’eau de plus loin, ou réduire les pertes et la consommation; ils peuvent prévoir des traitements plus rigoureux ou protéger les bassins versants pour améliorer la qualité des sources à long terme.

Qu’est-ce qui fera pencher la balance du côté des solutions bas-carbone ?

– Des opérateurs qui ont une vision et des connaissances sur ce qui est possible.

– Des réglementations, des politiques nationales ou au niveau des metropoles ainsi que des engagements qui obligent le service eau et assainissement à réduire ses émissions, en plus de sa mission de protection de la santé et de l’environnement aquatique.

– Les institutions internationales, y compris les fonds climatiques, qui soutiennent le secteur par des recommandations claires.

Au cours de la conférence virtuelle « Water Week for Development », lors d’une session intitulée « Achieving Climate Smart Utilities – Digital tools for Ambition Increase » le 24 août 2020, les intervenants ont montré comment l’outil ECAM peut aider les services publics à surveiller leurs émissions de GES, ont présenté l’exemple inspirant de la politique nationale zambienne visant à mettre en place des solutions bas-carbone, et l’IWA a présenté son initiative « Climate Smart Utilities » pour soutenir les services d’eaux urbaines à accroître leurs connaissances sur la manière d’améliorer le bilan carbone tout en maintenant, voire en améliorant, les niveaux de service et la rentabilité de ces services.

L’adaptation se fera au fur et à mesure que nous commencerons à observer des changements, mais elle peut compromettre l’atténuation si nous devons nous adapter « d’urgence » plutôt que de planifier notre adaptation à long terme. L’atténuation ne peut être que le résultat d’un effort collectif et doit donc être une tâche mandatée, car les entreprises individuelles n’en feront pas une priorité autrement. Il est très difficile de faire évoluer des institutions qui n’apportent chacune qu’une petite contribution à un objectif collectif. Cela nécessite des dirigeants visionnaires, des individus et des entreprises qui ont la capacité de mettre en œuvre, ainsi que des guides méthodologiques et un soutien financier adéquats. Prenons chacun nos responsabilités!